Introduction
Je suis né le jour de la mobilisation générale (de la WW2) et mes premiers souvenirs remontent à la fin de la guerre.
D’abord l’occupation avec les chicanes installées à l’entrée de notre petit bourg d’Augan (Morbihan) et mon chien mis en joue par une patrouille allemande pour fait de résistance (il aboyait !). Puis ce fut l’arrivée des Government Issues (les GI) des tanks, des jeeps (General Purpose) , des camions GMC (General Motors Corporation), des redoutés MPs (Military Police), le premier film projeté sur le mur de la Poste, les chasseurs qui lançaient des pelotes de fin ruban argenté, que nous prenions pour des messages secrets, alors que plus prosaïquement ils cherchaient à brouiller les radars allemands, les tranchées creusées loin du bourg car l’aciérie de Ploërmel venait d’être bombardée. Et surtout, le chouine gomme. Mon premier et seul mot en américain. j’ignorais que j’allais devoir en maîtriser beaucoup d’autres.
Nous pouvions penser que cette guerre effroyable était vraiment la « der des der ». Mais, aujourd’hui, nous savons qu’il n‘en était rien. Car il en est apparu une autre, souvent invisible, lourde de conséquences: la guerre économique qui s’accompagne de débarquements, d’invasions, de collaborations plus ou moins souhaitées et de retours au pays longtemps désirés. Dans ces News d’ici et d’ailleurs j’ai repris quelques un des thèmes qui accompagnèrent la libération. Vous me pardonnerez, j’espère, cette licence !
Un débarquement, surprise
Après avoir tenu les rênes de JDA pendant 11 ans – sur les 20 qu’il y a passés – après avoir racheté I2 et Manugistics, en négociant la fusion de cet ensemble avec Red Prairie sous la houlette du fonds New Mountain Capital, Hamish Brewer avait-il fait entrer le loup dans la bergerie ? A bridge too far ? Toujours est-il que les actionnaires de JDA, redevenue privée, en voulaient plus et plus vite et ont voulu « accélérer la stratégie de JDA » pour la mettre à l’égal des Oracle et autres SAP. Débarquement surprise et un rude challenge pour le futur CEO dont la recherche est en cours. Amateurs de sièges éjectables, positionnez-vous !
des collabos pas faciles !
Lorsque nous recherchons une collaboration avec des clients, fournisseurs ou partenaires, nous savons qu’il faudra franchir beaucoup d’obstacles. Mais ce ne sont pas toujours ceux que nous imaginons. Dans une récente enquête faite auprès du User’s Club de JDA, le Demand Optimization Council devait classer les barrières à la collaboration dans la vente au détail. Il fallait noter ces barrières de 1 (la plus faible) à 7 (la plus forte). Assez curieusement ( ?) le problème était chez les autres. Etaient en cause les compétences des partenaires avec une note de 2,4 alors que fabricants et distributeurs en s’attribuant une note de 4,6 ne doutaient pas de la leur (our skills). A votre avis, entre fabricants et détaillants lesquels étaient les plus prétentieux ? Un détail sans importance ?
Reshoring : Tie a yellow ribbon round the old oak tree
La ferveur patriotique a suscité nombre de chansons aux Etats Unis et, d’Iwo Jima au D Day en passant par Midway, encore plus de films de guerre. En France aussi, de la Marseillaise de Django Reinhardt à « Si les ricains n’étaient pas là » et « ne m’appelez plus jamais France » la ferveur patriotique est souvent présente : n’avons-nous pas inventé le chauvinisme ? Qu’en est-il de la ferveur économique ? Aux Etats Unis, elle grandit. Avec des associations comme reshorenow.org qui propose un comparateur de TCOs (coût total de possession), de nombreuses initiatives nationales ou régionales encouragent le rapatriement des produits et services. Ainsi, face à des prix moins compétitifs, une baisse de qualité (de 10% il a fallu revenir à 100% de contrôle qualité à la réception) et retards de livraison, la californienne Karen Kane, vient de rapatrier 80% de ses vêtements, et pas seulement des ribbons, qu’elle avait délocalisés en Chine. Ce n’était même plus de la ferveur patriotique, du simple bon sens.
(*) Reshoring, Oops !
.. lorsqu’il est mal compris. C’est ce qu’a appris à ses dépens Otis Elevator, une division de United Technologies. Encore peut-on parler de « reshoring » (dans le texte !) lorsqu’il s’agit de fermer deux usines américaines et une usine mexicaine pour tout fabriquer dans une usine flambant neuve à Florence (Caroline du Sud). Et pourquoi pas aussi en profiter pour mettre en place un nouveau logiciel de Supply Chain Management avec toutes les installations qui vont avec et les à-côtés imaginables. Ce qui fut dit, ne fut pas fait et vous devinez déjà ce qui arriva.
Incapable d’absorber tous ces changements simultanés, l’usine de Florence accumula les retards de livraison à un point tel qu’il fallut faire tourner l’usine mexicaine 6 mois de plus, faire des heures sup, en veux-tu en voilà, embaucher des intérimaires et probablement soigner quelques dépressions de cadres taillables et corvéables à merci. Coût total de l’opération : $60 millions! Je me souviens avoir entendu qu’au Japon, dans un déménagement ou une extension, on ne changeait rien d’autre pour réduire au minimum les risques de démarrage. Chez Otis, on ne dit pas si des têtes tombèrent : un ascenseur pour l’échafaud ? Pour reprendre une déclaration du CFO (Directeur Financier) « We bit of more than we could chew ». Loosely translated « qui trop embrasse manque le train … du reshoring of course !
10 000 robots dans une nouvelle guerre des titans ?
Après que Google ait annoncé avoir acheté 7 entreprises de robotique, voici qu’Amazon annonce qu’il va ajouter 7000 robots dans ses entrepôts américains d’ici la fin de l’année. Nous pouvons nous poser beaucoup de questions :
- Ces robots vont-ils pouvoir tout faire dans l’entrepôt ?
- Ne risque-t-on pas de voir les entrepôts amazoniens se dépeupler ?
- Avec des taux horaires aussi élevés, ses 35 heures et son absence de flexibilité, la France ne serait-elle pas en première ligne lors de l’invasion de l’Europe par les robots ?
La réponse est heureusement loin d’être aussi tranchée :
- si les robots savent bien déplacer les produits, ils sont moins à l’aise, et même pas à l’aise du tout, quand il faut trouver un seul article dans un casier multi-produits. Les « pickers » resteront humains.
- avec des pointes de vente très fortes pendant les périodes de fête et un coût non négligeable, il n’est pas questions de voir un robot « de fête » se tourner les pouces – si l’on peut dire – les neuf ou dix autres mois.
- En revanche, ils permettront de réduire la pénibilité du travail des préparateurs.
- selon une porte-parole d’Amazon, malgré l’arrivée des robots, les effectifs resteront stables.
Au final, une invasion plutôt pacifique !
(*) 83 millions : un débarquement en trompe-l’œil.
Si je vous disais que le métro est le site touristique le plus visité de France, vous douteriez de ma santé mentale. Mais lorsque vous entendez que la France occupe la première place avec 83 millions de touristes, vous le prenez pour argent comptant. Et pourtant : – 15 millions d’entre eux ne font que transiter par Roissy, ou se dirigent vers l’Espagne ou vont simplement faire un petit tour à Eurodisney, – les Etats Unis (seconds) font un chiffre d’affaire de 150% supérieur à celui de la France, – l’Espagne, avec un PIB inférieur de 30% fait 10% de chiffre d’affaire en plus, – l’Allemagne encaisse 1240 € par visiteur contre 647 euros pour la France, – les recettes s’élèvent à 3% du PIB pour la Suisse, mais moins de 2,5% pour la France. Parlant de ce dernier pays, alors que nous voyons la Suisse comme une cash cow qui nous permettra de rapatrier quelques milliards d’euros (un one shot), ne vaudrait-il mieux pas aller y prendre quelques leçons pour mieux attirer, accueillir et faire revenir nos touristes et les milliards qu’ils seraient tout disposés à nous apporter. A la Grande Motte, en 1967, le général de Gaulle avait prononcé un grand discours en faveur de l’industrie du tourisme. Qu’en est-il aujourd’hui ?
photo (non retouchée) de Danielle Gavaud, devinez où ?
Quand Schneider Electric entre en campagne !
Après avoir réussi sa transformation en une entreprise mondiale avec ses centres de décisions répartis sur 3 continents, il était temps que Schneider Electric revoie sa Supply Chain avec la même vision. C’est ce qu’en l’espace de bientôt trois ans la très impressionnante Annette Clayton, EVP, Supply Chain est en train de finaliser. Avec une Supply Chain capable de gérer ses 10 segments de clients, elle a créé 4 modèles de livraison différents pour répondre à leurs besoins. Et les résultats ne se sont pas fait attendre : des stocks qui passent de 92 à 81 jours (du matériel essentiellement professionnel), une performance de livraison qui s’est améliorée de 2 points, un million de $ récupéré sur des obsolètes, un indice de satisfaction qui augmente de 6 points en trois ans. Annette Clayton avait déjà réussi la transformation de la Supply Chain de Dell.
En route, pour une nouvelle campagne ?
(*) Autre Schneider, autre combat.
La bataille du pot de terre (les préparateurs) contre le pot de fer (Schneider le géant de la logistique) s’est terminée devant les tribunaux de Los Angeles. Heures non payées ou à un taux plus bas, chaleur éprouvante, menaces de licenciement s’ils portaient plainte, la goutte d’eau a fini par faire déborder le pot. Résultat de la Class Action les 1800 employés ont reçu en moyenne 12 000 $ en dédommagement. A ces 21 millions, on peut ajouter une précédente condamnation à près de 5 millions l’année précédente pour le même entrepôt.
Même si, avec près de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaire, Schneider saura supporter cette condamnation, qu’en sera-t-il de son image ?
Code de conduite pour une route plus sûre.
Des 610 grandes entreprises cotées aux USA, 354, soit 58%, ont signé un « code de conduite » avec leurs fournisseurs, une augmentation de 35% sur les chiffres de 2012. Si l’on ajoute que 47% d’entre elles prennent en compte le critère environnemental et sociétal dans leurs achats et que 33% (contre 27% en 2012) demandent à leurs fournisseurs de mettre en place des indicateurs de performance environnementale, nul doute que la prise de conscience va continuer à croître.
Sans se garantir un chemin bordé de roses – d’où l’impérieuse nécessité de mettre en place un management du risque performant – ces entreprises sont déjà sur la bonne route.
TARGET : CANADA, une mise en boîte mal venue
Lorsque Target décide d’ouvrir trois centres de distribution au Canada, il imagine avoir tout balisé. Mais très vite, leurs étagères se vident d’une façon incompréhensible alors que le système central de Target estime qu’elles devraient être pleines. Un lancement catastrophique au Canada ! Le mystère s’éclaircit, lorsqu’il apparait que les boîtes supposées contenir 2 douzaines de produits n’en contenaient qu’une seule. Le nombre d’unités par carton introduit dans le système était différent de celui communiqué par le code-barres ! Il fallut envoyer de nombreux préparateurs et magasiniers américains pour redresser la situation. Et, à ce jour, Target ne serait pas sûr de connaître la cause exacte de cette erreur.
Quid de l’inventaire tournant ? Et de son utilisation ?
(*) Dur, dur de croquer la pomme !
Le Gartner Group a communiqué sur son classement des 20 meilleurs supply chains. Pour la 4ème année, c’est Apple qui arrive en tête. Avec les critères retenus, difficile de contester ce classement. Mais quand on sait que l’un des critères est le taux de rotation des stocks, pur et dur, à votre avis, quelle sera la place de Schneider Electric avec ses 81 jours de couverture ? Quand un autre critère est le pourcentage de croissance du chiffre d’affaire, comment voulez-vous que des entreprises bien établies, travaillant dans le dur puissent faire jeu égal avec les entreprises du e-commerce. Quand on sait que 25% des points sont attribués par les experts de Gartner – au même niveau que le classement par les pairs – la suite du classement : McDonald’s, Amazon.com, and Unilever vient valider ces interrogations.
Annette CLAYTON (voir ci-dessus) serait-elle devenue nulle en passant de Dell (grand public) à Schneider Electric (professionnel) ?
Un classement de l’éphémère à l’époque du consumérisme ?
(*) brèves non présentes dans Supply Chain Magazine de Juin 2014