PHILIPS

En 1962, j’entrais à la Radiotechnique.    Avec « Cinq usines en cinq ans » comme le titrait l’Usine Nouvelle, dans un monde  où l’offre ne pouvait répondre à la demande, la Radiotechnique  témoignait du dynamisme exceptionnel de la France des années 60. Dès notre entrée dans le «vivier» nous prenions connaissance des produits et des usines et empruntions  les 10 km de l’autoroute de l’Ouest pour rejoindre  Rambouillet, Dreux, Chartres, Evreux  jusqu’à  Nogent-le –Rotrou et Caen.

Dès la première semaine, sur les mêmes chaînes de montage, je pus voir sortir des appareils Radiola (30%) et Philips (70%) identiques à quelques pièces décoratives près. Malgré ses efforts pour conserver une certaine indépendance, la Radiotechnique devenait progressivement une vraie filiale de Philips.

Pour nous, au Bureau d’Organisation Générale, c’était une bénédiction. A Eindhoven (NL)  le département TEO – Technical Efficiency and Organisation – fort de plusieurs centaines de collaborateurs,  recherchait en permanence comment maintenir la prééminence de Philips en organisation industrielle. Dès leur apparition, nous pûmes nous initier aux nouvelles techniques :

  • Analyse de la valeur de Larry Miles
  • Rentabilité des investissements,  une application de mon cours à l’IEFSI
  • Techniques de gestion des stocks : BQ, BS, sQ, sS
  • Management de projet avec le PERT
  • Equilibrage de ligne avec le MTM de Gilbreth et lr WorkFactor
  • Etc.

Mais PHILIPS était aussi capable d’innovation :

  • Le précalcul des prix de revient prévisionnels permettait la comparaison avec les autres usines sœurs et servait de base à l’établissement du budget,
  • Le précalcul achats des pièces mécaniques ou plastiques allait encore plus loin. Il définissait l’organisation type d’un atelier : effectifs, machines, etc. et sur ces bases calculait le prix de revient auquel le service achat devait négocier avec le fournisseur. Il allait ensuite conseiller le patron et lui expliquer comment il pouvait atteindre ce prix d’achat objectif, prix sur lequel les résultats du service Achats allaient être déterminés : un « early supplier involvement » 40 à 50 ans avant que ce terme n’apparaisse.
  • Au début des années 80, le point et le stock de découplage conduisant à une planification modulaire, redécouvert 20 ans plus tard aux Etat Unis sous l’appellation « postponment principle ».
  • La vision de la chaîne logistique globale – du fournisseur au centre de distribution national – dès les années 80.
  • La création de l’appellation « supply chain management » par le Président de Philips de l’époque. En France, ce fut le terme « productique » qui, une fois déposé, fut laissé en libre usage par la communauté.

Autant de techniques, de solutions,  de procédés, dont  25 ans plus tard – en sortant du cocon de PHILIPS – j’allais apprendre qu’elles étaient encore loin d’être connues et appliquées dans nombre d’entreprises.

Un autre domaine dans lequel PHILIPS excellait était son Concern Standardisation Department qui fut à l’origine de deux autres innovations bien moins connues mais pourtant  primordiales.

La codification avec le 12 NC : à peine arrivé à la Radiotechnique, j’apprenais que nous allions devoir remplacer notre codification faite de 8 chiffres et lettres par le 12 NC, entièrement numériques en partie descriptif (pays de développement, de production, grande famille) mais essentiellement aléatoire. Cinquante ans plus tard,  le 12 NC continue d’être le lien entre tous les divisions et les pays de PHILIPS.

Le langage commun : Puissante entreprise dans un petit pays ayant une langue peu utilisée, avec une volonté d’ouverture à l’international, PHILIPS devait  choisir une langue  de communication. Au « Radt van Bestuur », à une voix près, face au français, pourtant très parlé aux Pays-Bas,  ce fut l’anglais  qui l’emporta. Toutes les règles et procédures furent progressivement traduites en anglais, mais aussi en français, en allemand et d’autres langues. La nécessité d’une terminologie commune  était une évidence. Et c’est ainsi que bien avant l’APICS, PHILIPS produisit son premier dictionnaire »Planning Terms » (la 4ème édition, en ma possession  date de 1966 !). En 1980, le point de découplage  figurait déjà dans le « Terms in the field of logistics » traduit en français.

C’est aussi à cette époque que j’introduisis les concepts JIT-MRP  dans les centres industriels francophones (France et Belgique) de  Philips sous le nom « Management des Ressources de Production ». La prise de conscience de l’importance des délais et des coûts des stocks permit des améliorations significatives non seulement  dans la logistique industrielle mais aussi dan l’organisation de la production avec visibilité, mise en ligne etc.

Assez naturellement cette croisade lancée dans tout le Groupe allait s’accompagner de la certification des professionnelle en logistique CPIM: Certified in Production and Inventory Management proposée par l’APICS alors American Production and Inventory Control Society devenue depuis the Association for Operations Management. En 1986, je lançais cette certification en France, et en profitais pour inviter des amis d’autres sociétés (CAP Gemini, Bull, etc. ) afin de confronter nos expériences et connaissances. J’allais progressivement prendre conscience de l’avance de PHILIPS en organisation industrielle et de mes possibilités de contribution à l’amélioration des performances des entreprises industrielles françaises.

Fin 1988, je quittais PHILIPS après avoir créé MGCM.