1914 : l’entrée en guerre à Augan

By | 1 août 2014

 

Extrait du livre « Histoire d’Augan » de Gabriel BERNARD, Recteur d’Augan

CHAPITRE 36 : la guerre de 1914-1918

Durant le printemps de 1914, la situation politique de l’Europe n’était déjà pas des meilleures quand au mois juin l’assassinat de l’archiduc d’Autriche, à Sarajevo, vint envenimer encore les relations internationales. Dans la deuxième quinzaine de juillet, L’Allemagne, sous l’impulsion de Guillaume II, prit dans le conflit Austro-Serbe une attitude nettement provocatrice. Aussi, après la lecture des journaux, la même question revenait-elle sur toutes les lèvres: la guerre pourrait-elle bien éclater? D’ailleurs, dans le fond des cœurs de beaucoup de français qui ne pardonnaient pas que l’Alsace et la Lorraine nous aient été stupidement arrachées, on avait hâte de saisir une occasion de prendre une revanche…..

Mais on était en plein été, au plein cœur de la moisson. Et ce samedi 1er août, nos villages étaient déserts; dans les champs où le bourdonnement des abeilles n’était troublé que par le sifflement des faux glissant dans les blés et le murmure monotone des quelques faucheuses déjà apparues dans les fermes plus importantes, tout le monde s’activait à la besogne, quand soudain retentit le tocsin qui fit relever les têtes et jaillir 1’interrogation : « qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire?  » Est-ce le feu ? ou bien la déclaration de guerre? »

mobilisation généraleLe tocsin n’avait pas fini de sonner qu’une foule d’hommes de tout âge laissant faucilles et faux étaient accourus, en bras de chemise, devant la mairie en proie à la plus vive émotion. Le maire, Monsieur Raoul du BOISBAUDRY non moins ému était là à les accueillir. Il venait de recevoir la visite d’un gendarme de Guer porteur de plis fermés contenant les instructions relatives à la mobilisation. Monsieur du BOISBAUDRY s’efforça bien de rassurer tous ces braves gens sur la suite à donner à la grave mesure décrétée par le gouvernement; mais comment faire partager à cette foule des sentiments qu’il n’éprouvait pas lui-même?

Le lendemain, à l’issue des messes, après la publication des instructions concernant les hommes appelés sous les armes, nouvel appel au calme et au sang-froid de la population « La mobilisation n’est pas la guerre, c’est même une mesure de sécurité prise par le gouvernement précisément en vue d’éviter la guerre« . Ces paroles, je crois, ne trompaient personne, encore moins celui qui les prononçait.

Le lundi 3 août, vers 8 heures du matin, venus des divers villages de la commune, de Caro, de Campénéac, plus d’une centaine de jeunes gens étaient rassemblés à la gare d’Augan, attendant les trains qui devaient les acheminer vers leurs régiments respectifs. De nombreux parents et amis les entourent. Ici, plus de tristesse. La vision des dangers qui la menace n’effleure même pas cette belle jeunesse toute vibrante du même frisson patriotique.

Au fur et à mesure que les groupes arrivent, de chaudes poignées de mains s’échangent, les conversations s’animent  » Tiens te voilà, ou vas-tu ? » – « Au 116ème de Vannes ». « Moi aussi. Par ici, les gars du 116ème ! » Et tout aussitôt d’autres groupes de se former.  » Par ici ceux du 65ème, du 41ème, du 118ème  » Ainsi, tous ces jeunes soldats qui viennent d’être arrachés à leur foyer se reforment de nouvelles familles que soutient, à défaut du lien du sang, le sentiment de l’esprit de corps et de la fraternité des armes.

Mais bientôt deux rames de wagons se croisent en gare: « En voiture » Dernières étreintes, quelques larmes écrasées aux paupières de ceux qui restent…Puis, aux cris de « A Berlin ! A bas Guillaume ! Vive la France »! poussés par les partants, les deux trains s’ébranlent, l’un vers Guer pour les directions de Rennes et Nantes; l’autre vers Ploërmel pour les directions de Vannes, Quimper et Brest.

L’enthousiasme suscité par cette belle jeunesse pleine d’ardeur et d’entrain ne fut pas de longue durée chez ceux qui restaient. Après l’animation de tout à l’heure, un silence lourd comme une chape de plomb pesait sur la gare. La verdure des arbres qui l’entouraient s’était assombrie et paraissait lui faire comme un encadrement de deuil. L’angoisse étreignait tous les cœurs. Pourtant les travaux de la moisson qui battaient leur plein contribuèrent à arracher la population à l’abattement des premiers jours. Beaucoup de bras manquaient, il fallait donc redoubler d’ardeur au travail. Et puis l’on se berçait de l’idée que la guerre serait courte: les armes étaient si nombreuses, si perfectionnées qu’au bout de quelques mois tout serait détruit sur le passage des armées: une guerre de longue durée paraissait donc inconcevable.

Dans les semaines qui suivirent les réquisitions se succédèrent: chevaux, bœufs, vaches, paille, foin, blé, seigle, avoine… étaient centralisés à Ploërmel d’où ils étaient acheminés vers les armées.  A suivre …

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