Histoire d’Augan : les pescelleries et fileries

By | 28 février 2015

 

Les pescelleries et fileries

 

Extrait du Chapitre 13 de l’Histoire d’Augan de l’abbé Gabriel BERNARD, compilé et mis en forme par Michel GAVAUD

 

Dans le dernier quart du 19ème siècle, l’introduction en masse dans nos campagnes de la toile et des tissus manufacturés en tous genres a également porté le coup de mort aux « pescelleries et fileries ». Mais jusque-là, le chanvre et le lin, cultivés en grand chez nous, fournissaient presque exclusivement, avec la laine des moutons paissant sur nos landes, la toile et les lainages nécessaires à l’habillement et le linge de la famille.

Après diverses préparations, notamment le rouissage dans un « doué » et le séchage sur la lande, les fibres du chanvre et du lin était d’abord débarrassées de leurs tiges ligneuses à l’aide d’un maillet de bois ou de la broyeuse à main. On procédait ensuite au « pescelage ». Le lin en particulier, destiné à une toile plus fine, nécessitait un « pescelage » sérieux. À cet effet on utilisait une bancelle à l’avant de laquelle était encastrée une planche lisse, effilée à sa partie antérieure et légèrement inclinée en arrière, c’était le « pescet ».

filerie    en bretagneAssise sur la bancelle, les femmes frottaient contre la partie effilée du pescet, alternativement de gauche à droite, chaque poignée de chanvre ou de lin jusqu’à ce que celle-ci, bien élimée, leur parut suffisamment souple et soyeuse. Il ne restait plus qu’à filer les écheveaux avant de les passer au tisserand. Mais, comme celui-ci ne se mettait à l’ouvrage sur le métier qu’autant qu’il était assuré de pouvoir tisser une toile de quelques dizaines de mètres de longueur, on devine le temps qu’il fallait pour pesceler et filer le lin nécessaire à une toile de ces dimensions.

La préparation d’une toile exigeait souvent plusieurs années, car on n’y consacrait, en général, que les soirées d’hiver. Parfois, quand la besogne pressait, on usait de l’entraide comme pour les pileries ou les guéries mais, plus généralement, chacun travaillait pour soi ce qui ne veut pas dire que l’on travaillait isolément.

Passée la Toussaint, sitôt après le repas du soir, emportant chacun son pescet, son rouet ou sa quenouille, femmes et jeunes filles se réunissaient dans la maison la plus accueillante du quartier, s’installaient sur un lit de paille fraîche dans un coin de l’étable et là, dans l’atmosphère tiède du bétail, « élimez pescets », « tournez rouets et fuseaux », au récit des événements du jour où des histoires du passé.

Pendant ce temps, réunis autour de l’âtre, qui ne faisait la plupart du temps qu’une seule et immense pièce avec l’étable, hommes et jeunes gens teillaient le chanvre, fabriquaient  ruches à pain et autres objets de vannerie.

Que ces rassemblements de personnes de tout âge et de tout sexe occasionnés par les pileries, les gleuries, pescelleries et fileries ou vanneries aient engendré quelques dérèglements au cours des siècles, nul ne s’en étonnera: les abus, hélas, naissent des meilleures choses. Mais aussi quel magnifique esprit d’entraide et de fraternité s’en exhale qui nous laisse nostalgiques! Et, quel plaisir d’entendre des histoires et chansons de ces temps héroïques.

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