la 47ème noce bretonne d’Augan

By | 3 août 2015

Prologue: les noces d’antan à AUGAN

En tant qu’enfant  de chœur avec Jean BOUSSOT j’ai participé à de nombreuses cérémonies de mariage dans l’église d’AUGAN. Je les aimais bien en raison de leur ambiance joyeuse, encore que nous aimions plus les baptêmes où les parrains et marraines nous distribuaient les quelques pièces qui constituaient notre seul argent de poche.

Certes les noces n’étaient pas la manifestation qui réunissaient le plus de personnes puisque c’était sur invitation. Je me rappellerai toujours le triste cortège des parents, amis et voisons éplorés qui remplissaient l’église lors des enterrements. Les chants funèbres, le glas lancinants des cloches, le piétinement des fidèles se rendant au cimetière renforçaient le sentiment de profonde tristesse qui nous accompagnait tous. Même l’encens n’avait pas la même odeur.

Depuis les invitations jusqu’au retour de noces, les noces constituaient la manifestation la plus festive et la plus longue. Le matin, un groupe allait chercher la mariée et le marié avant de se rendre à l’église. Pour la rejoindre de Trénolan ou du Binio il devait  parfois parcourir jusqu’à 4 kilomètres pour rejoindre le bourg. A pied bien entendu car les voitures étaient encore très rares et le car de Charles Quéllard se serait révélé bien incapable de transporter les centaines d’invités.

Pour rendre la route moins longue nous chantions des chansons à répéter les « C’est en dix ans … » accompagnées par l’accordéoniste qui donnait la cadence au cortège.

Plus que 10 heures la belle, cessez vos pleurs 

Cessez vos pleurs  la belle, cessez de pleurer

Car c’est ce matin qu’on va vous marier

ou encore

C’est à 10 heures nous allons prier,              

Nous allons prier, prier à la messe,       

Nous allons prier pour les mariés

photo égliseen travauxAprès la messe c’était la photo traditionnelle souvent sur la volée de marches au pied de l’église, mais aussi plus tard là où avait lieu le repas.

mariage eugène gavaud(Mon grand père qui avait le sens du commerce voulut que la photo du mariage de mes parents soit prise devant son commerce. Celui-ci jouxtait  notre maison, probablement un ancien relais de poste, à en voir l’immense foyer et les traces des chandelles de suif qui, avant de s’éteindre, brûlaient progressivement le manteau de la cheminée.

Puis le cortège faisait le tour des cafés (pas tous car nous en avions alors 23 pour 1463 habitants !!!), et vers les midi (à l’heure solaire) avant de partir pour le lieu du repas.

Le mariage attiraient tous les curieux du bourg avec toujours les chansons appropriées:

A 10 heures dans la plaine j’ai tout laissé 

J’ai tout laissé mes moutons dans la plaine

Pour aller vois passer

Les nouveaux mariés

Sauf lors des « petits » mariages où le repas se tenait au restaurant, c’est en général dans la cour de l’un des mariés ou dans un pré attenant que commençait le repas de mariage. Les invités s’installaient autour de grandes tables posées sur des tréteaux.  Une seule fois, j’eus l’occasion de voir un repas sans tables et sans bancs: deux tranchées de 50 cm de profondeur et distantes de 70à 80 cm offraient l’emplacement pour les jambes et délimitaient ce qui allait servir de table.

Le repas était copieux et se prolongeait tout l’après-midi entrecoupé d’airs à l’accordéon et de chansons que nous reprenions tous en chœur. Comme la réputation du kir n’était pas encore arrivée en Bretagne, en guise d’apéritif c’étaient plutôt du Byrrh, du Dubonnet ou du Cinzano. Le vin rouge commençait à se substituer au cidre, et nos palais peu formés se contentaient d’une qualité très moyenne. Nous n’imaginions pas les dégâts causés par une boisson 3 fois plus alcoolisés  que notre cidre traditionnels. C’est ainsi que ma mère et mois furent très inquiets de voir mon frère, ivre mort, ramené à bout de bras par Eugène POUHAUT et un autre jeune, tout amusés par cette aventure. Depuis ce jour, jusqu’à sa mort en Algérie, il ne but plus jamais une goutte d’alcool.

A 10 heures dans ces prés doux,

La belle aimez ben votre époux 

Aimez le ben et il vous prendra des taupes

Avec les piaou il en fera des drapiaux

Le soir, aux invités du repas venaient s’ajouter les voisins ou cousins éloignés  qu’il n’avait pas été possible d’inviter à la messe et au repas. Ils venaient en galicelle une veste un peu plus simple que le « costume du dimanche » que les invités avaient mis pour faire honneur aux mariés et à leurs parents. Quelques siècles plus tôt c’était déjà en galicelles et pour leur malheur que les gars de Campenia s’étaient invités à la filerie de la Ferme de la Porte au Bois du Loup. Voir « la chanson des gas de Campenia ».

L’un des évènements les plus marquants était la distribution de la soupe de lait aux mariés, le soir, au moment où ils allaient enfin se coucher.

lit clos ouvertC’est en dix ans, je m’en irai 

 J‘entends le bois du lit craquer 

Qui craque,  j’entends le bois du lit qui craque  

Ohé, j’entends le bois du lit craquer

La soupe de lait légèrement poivrée constituait souvent notre  seul plat du soir.  Sans doute pour rappeler que la vie qui attendait les nouveaux mariés ne serait pas toujours rose et qu’avec les enfants  de nouvelles tâches ménagères les attendraient (il n’y avait pas de « pampers » à l’époque), une soupe de lait particulièrement poivrée était servie dans un pot de chambre. Inutile de dire que ces empêcheurs de … tourner en rond, n’étaient pas las bienvenus et recherchaient un lieu où ils pourraient convoler en paix. Comme il y avait toujours quelqu’un(e) pour vendre la mèche ils pouvaient rarement y couper!

Après le retour de noces c’était le temps des projets:

C’est en dix ans, les voyez-vous ces jeunes gens  (bis)

Les voyez-vous ces jeunes gens,

Bras d’sus bras d’sous se promenant  

Vous les reverrez l’an prochain 

Promener leur gosse par la main.

 

 

Qu’en est-il en 2015: la 47ème noce bretonne d’Augan

ticket repasTous les premiers dimanches du mois d’août, Augan organise sa traditionnelle noce bretonne. La 47ème en 2015. Certes, lorsque le dynamique Eugène POUHAUT et ses amis décidèrent de se lancer dans cette aventure, ils n’imaginaient pas que partant d’une centaine en 1969 c’est plus d’un millier de participants qui allaient fouler la prairie de l’ancien presbytère. Ni qu’ils viendraient des 4 coins de la France.

C’est ainsi que cette année les organisateurs accueillirent des normands et des picards venus en cars, des Rhône-Alpins venus en camping-car et bien entendu de nombreux bretons venant des 5 départements de la Bretagne historique. Les tout proches voisins de Guer, Tréhal, Beignon, Ploërmel, Guillac, la Chapelle Caro, Saint-Avé etc. etc. ne manquaient pas à l’appel pas plus que les Auganais dont certains découvraient encore la noce bretonne ou la redécouvraient avec le même plaisir.

La journée allait être très longue pour certains d’entre eux :

les bouillottesDès 6 heures du matin les bénévoles commençaient à chauffer les bouillottes dans lesquelles seraient préparés les plats qui nous attendaient. La préparation des légumes et autres ingrédients des recettes demandait aussi beaucoup de petites mains. Au total entre la vente des tickets, le service à table, l’animation sous le chapiteau ce ne sont pas moins de 150 bénévoles – aisément reconnaissables à leur T-shirt rouge qui allaient s’occuper de près de 900 invités.

Mais la noce ne s’arrêtait pas là. Dès 9 heures un petit groupe allait chercher la mariée en présence de premiers arrivés.  Puis c’était la remontée vers la mairie ou le maire allait recueillir les consentements des « mariés » et leur accord pour entretenir la bonne humeur tout au long de la journée.

Si la messe ne pouvait être la vraie messe de mariage, en revanche elle permettait à des participants de renouer avec la foi de leurs ancêtres ou tout simplement aux paroissiens de venir à leur messe.

sortie de messe noces bretonnesDès la sortie de la messe, la fête reprenait ses droits avec le passage par les cafés. Ou plutôt le café car, depuis les années 50, leur nombre s’était sévèrement réduit. Pour finalement se diriger vers le lieu du banquet, et prendre leur place pour ceux qui n’avaient pas réservé.

aportez vos couteauxSous les immenses chapiteaux qui accueillaient près de 900 invités, il fallait ensuite réserver ses places voire ses tables de 10. Des assiettes renversées, le nom sur une affichette et le tour est joué.

Le repas en lui-même fut fidèle à sa réputation. Commencé vers 13 heures 30 avec la soupe faite avec le bouillon du bœuf gros sel qui allait suivre, il continuait avec le veau marengo, le rôti de veau, les pommes de terre au beurre et se poursuivait avec la salade et le gâteau breton. Accompagné du kir, de cidre et de vin (et même d’eau !) il se terminait avec le café un verre de pétillant et le conseil de ne pas reprendre la route immédiatement.

Bien que les viandes aient été très tendres, la recommandation d’apporter son couteau n’était pas connue de tous et le stock de couteaux aux armes d’Augan étant épuisé il fallut faire appel aux bonnes volontés. Un moyen de plus de créer des liens entre voisins.

les deux RenéQuant à l’animation elle fut à la hauteur de la manifestation. Quantitativement car il était quelquefois difficile de s’entendre mais surtout qualitativement car, à part quelquezs musiques enregistrées, ce furent nos sonnous qui créèrent une ambiance bien bretonne. Sans pouvoir les citer tous je retiendrai les deux René qui totalisaient plus de 160 ans à eux deux. René Guérin bien sûr, qui retrouvait toute sa jeunesse sur son accordéon rouge qui avait déjà connu la prtemière noce en 1969. L’autre René JOSSIN plus cher à nos cœurs, nous rappelant les bêtises que nous faisions à l’époque mais aussi les nombreuses chansons qu’il m’apprenait à l’époque. Depuis « La pié qui che, l’soulei qui raye … jusqu’à « cest en dix ans, petit mouton blanc . » et bien d’autres que j’essaye de recueillir.

la meneuse de revue DSC01176On atteignait les 200 ans avec l’infatigable Aurélie. Se remettant à peine du Festival de l’Accordéon qu’elle avait organisé trois semaines plus tôt elle était incapable de s’arrêter et entraînait tout le monde, petits et grands, costumés ou non pendant tout l’après-midi dans de folles farandoles et sur le parquet de danse.

danse sur le rôti dansons la guedilleMais la manifestation ne s’arrêtait pas là. Afin de permettre l’organisation du grand bal gratuit dès 21 heures; le fest-noz de danses et de chants bretons se transformait en Fest-deiz dès 19 heures et permettait à nos lointains visiteurs normands ou picards d’y participer avant de reprendre leurs cars.

En conclusion, si nous ajoutons les 150 bénévoles, aux 900 inscrits et à tous ceux qui vinrent gratuitement en soirée ce sont probablement plus de 1500 personnes qui à un moment ou à un autre se retrouvèrent suer la prairie du presbytère. Pour une population de 1500 habitants, une réussite.

Longue vie aux noces bretonnes d’Augan

 

 

 

 

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